Grève à la Gare Matabiau. Photo cecile mootz
Grève à la Gare Matabiau. Photo: Cécile Mootz

Vous ne le savez sans doute pas, mais la SNCF fait grève. La mobilisation des cheminots est nationale, elle débutait lundi à 19h. Le lendemain, mardi 3 avril, nombre de trains sont supprimés. À Toulouse, malgré toute attente, la gare Matabiau est anormalement calme en ce mardi matin. Le hall central n’accueille que très peu de voyageurs, parmi eux, certains ont été plus chanceux que d’autres.

« Bonjour, je peux vous renseigner ? » À la boutique de la SNCF de la gare Toulouse Matabiau, les agents accueillent les voyageurs qui sont peu nombreux, il faut bien le dire. L’ambiance est cordiale, presque détendue. On ne se douterait pas que la grève nationale des cheminots a débuté la veille au soir. « Je pense que les médias ont fait leur travail. Nous espérons que les usagers ont compris le message » affirme l’une des agents SNCF Assistance. Aujourd’hui, ils sont cinq à ne pas faire grève. Une jeune femme et un jeune homme répondent aux questions, ils doivent avoir autour de 25 ans. Tout comme les usagers, cette mobilisation, ils la vivent au jour le jour. Le jeune homme affirme « on ne sait pas à l’avance qui fera grève ou non ». Certains Toulousains viennent pour échanger leurs billets ou en acheter, la plupart viennent aux nouvelles. Selon les membres de la SNCF, la plupart des personnes avaient pris les devants. Dans ce couloir de la gare, pas de pleur ni de grincement de dents. Loin d’une atmosphère de grève en somme.

Un peu plus loin et contrairement à son habitude, le hall est désert ce matin. On pourrait presque entendre une mouche voler. La seule chose qui perturbe cette atmosphère paisible ce sont les annonces de la mythique voix de la SNCF et la musique qui l’accompagne. Mais malgré ce calme apparent, les rares usagers sont divisés.
Les plus jeunes prennent cela avec le sourire. Ils sont trois au milieu du hall de la gare. Pour eux, la grève est une excuse pour louper les cours. Casquette vissée sur la tête, assis sur leurs valises, ces trois lycéens de 16 et 17 ans prennent la situation avec philosophie. Leur train est retardé de 10 minutes, mais eux restent sceptiques quant à son arrivée : « s’il n’est pas là, on rentrera chez nous ! » affirme Grégory. Ils vont à Nîmes pour deux semaines de stage. Nicolas commence à s’impatienter : « notre premier train a été annulé, là on attend. Normalement on a cours à 8h mais bon… ». Un autre va prendre ce même train en direction de Marseille : Alain, un retraité de 66 ans. Plus discret, il ne trône pas au milieu de la gare comme ces trois jeunes mais il reste en retrait ; proche de la porte principale. Son billet à la main, cet homme moustachu garde le sourire. Il précise avec humour : « Mon train n’est pas annulé. J’ai de la chance, j’aurais dû jouer au loto ! ».

« Moi la pauvre loi qu’ils vont voter, je n’y suis pour rien ! »

Non loin d’Alain, elle aussi est adossée dans le hall de la gare. Son portable à la main Marion, 30 ans scrute le tableau d’affichage des trains au départ. Elle attend. Son objectif : trouver une solution pour rentrer ce soir à Montauban. « C’est une atmosphère plutôt anxiogène… Mais l’ambiance à la gare reste très calme, ça change ! » Elle s’est levée plus tôt que d’habitude ce matin pour venir en covoiturage jusqu’à Toulouse. Cette alternative au train, elle pourrait même l’utiliser pour rentrer chez elle ce soir. « Cette situation me pénalise beaucoup », en recherche d’emploi, elle se déplace presque quotidiennement vers la Ville rose pour des entretiens et des rendez-vous professionnels. Elle pense même chercher un logement sur place pour « éviter ces galères ». Elle poursuit : « la pauvre loi qu’ils vont voter, je n’y suis pour rien ! »

Sonia accompagne sa maman Évelyne pour échanger ses billets. Toutes deux se dirigent vers la boutique SNCF. Éveline a 68 ans et elle devait partir le lendemain pour rentrer chez elle, en Bretagne. Le train a été annulé. Cette maman aux cheveux bouclés grisonnants et sa fille de 45 ans se rendent au guichet afin de trouver une solution avec un agent SNCF. Avant leur rendez-vous, elles ne sont pas inquiètes et gardent le sourire. La SNCF devrait bien leur proposer une solution.

Une petite demi-heure plus tard, Évelyne est au bord des larmes. « J’ai l’impression que c’est plus facile d’aller à l’île Maurice que de rentrer en Bretagne » affirme sa fille, Sonia. Si l’entretien a duré si longtemps, c’est parce que l’agent n’avait que très peu d’informations à leur fournir. Sonia dresse le bilan de la situation : « Maman est à la retraite. Elle n’a pas d’obligation, une chance ! Mais le problème c’est que les trains disponibles sur les trois jours de circulation sont tous complets. Entre ceux qui ont déjà pris leurs billets et les personnes replacées… » Il n’y a plus de place pour cette septuagénaire. Sonia et Évelyne sont inquiètes. Pour l’instant, aucune alternative n’est trouvée, elles sont anxieuses et en veulent à la SNCF.

Selon elles, les cheminots font une grève sans pouvoir assurer un service minimal. Sonia fulmine : « ma maman a payé ses billets 200 €, et on nous demande de trouver d’autres solutions ! » Elles ont cherché un covoiturage pour qu’Éveline puisse rejoindre son domicile. Alors que le trajet dure 8 heures environ en train : en voiture, il serait deux fois plus long. « Inenvisageable » selon Éveline. Leur solution ? L’agent SNCF qui s’est occupé d’elle était à leur écoute selon les deux femmes. Lui-même paraissait gêné de ne pouvoir replacer Eveline. Sous ses conseils, les deux femmes reviendront mercredi à 17h, heure de réouverture des réservations. Sonia termine : « nous serons là avant tout le monde ! »