La carte de presse fait polémique, notamment son obtention. Certains journalistes décrivent ce papier officiel comme superflu, alors que d’autres le voient indispensable. Ces derniers mènent chaque année le même combat : renouveler leur carte de presse auprès de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP).

Chaque année, en octobre, le journaliste ou son employeur doit renvoyer un dossier pour renouveler sa carte de presse. Celui-ci doit comprendre le formulaire de demande de renouvellement, un certificat de l’employeur et un bulletin de salaire portant le cumul annuel. La CCIJP prend alors la décision de renouveler ou non le fameux sésame. La polémique arrive à ce moment-là. Certains journalistes voient leur demande de renouvellement refusée, alors qu’il peut s’agir d’un outil de travail indispensable. Plusieurs causes sont à l’origine de ce rejet. Une des plus médiatisées date de 2015. Pascale Clark n’a pas vu sa demande satisfaite à cause de son statut. Elle est employée à Radio France en tant qu’intermittente, ce qui est administrativement incompatible avec le statut de journaliste. Malgré cela, les employeurs paient de plus en plus les journalistes au cachet ou en droit d’auteur. Les statuts d’intermittent et d’autoentrepreneur coutent moins cher et imposent moins de contraintes. ‘’Profession : pigiste’’ a profité de cette médiatisation pour réagir. L’association de pigistes a twitté : « Peut-être qu’avec Pascale Clark on va parler des milliers de pigistes sans carte de presse, car payés en factures ou droits d’auteur ? #Hope ».

 

Le problème est qu’en tant que journaliste indépendant, il est plus facile de se faire indemniser sous le statut d’intermittent, auquel ont droit les réalisateurs de documentaires, que de s’inscrire à Pôle Emploi comme journaliste au chômage, ce qui requiert une fin de contrat. « Le statut d’intermittent donne lieu à des dispositions de protection juridique et sociale incompatibles avec les conditions requises pour l’attribution de la carte de presse, qui exige que les journalistes soient salariés », précise Bénédicte Wautelet, présidente de la CCIJP et directrice juridique du groupe Le Figaro. La CCIJP a de plus en plus de difficultés à gérer les dossiers de journalistes dépendant d’autres régimes que celui requis par la loi. Isabelle Bordes, journaliste à « Ouest France » et élue CFDT à la CCIJP, évoque une solution à ce sujet : « Nous sommes à une époque de dérégulation totale de la profession. Les employeurs profitent du fait que les gens ont faim pour leur faire accepter n’importe quel statut. Je pense qu’il faudrait assouplir l’attribution de la carte parce que les textes, dans le contexte actuel, sont trop flous et méritent d’être revus. Je suis, par exemple, pour qu’elle soit accordée à des débutants déclarés intermittents du spectacle afin qu’ils puissent sans entraves démarrer dans le métier et exiger ensuite le statut auquel ils ont droit ». Ou alors, il faut changer de statut. Cette fois Pascale Clark elle-même a une solution : « Ce statut n’est pas de mon fait. Il m’a été imposé par Radio France. La CCIJP ferait mieux de s’en prendre au système et non pas à ceux qui, comme moi, en sont les victimes. Nous sommes intermittents à notre corps défendant et la CCIJP nous demande de régler seuls ce problème que tout le monde connaît ». Pousser les entreprises à employer des journalistes qui n’ont pas le statut d’intermittent pourrait alors limiter la popularité de ce statut dans le métier.

Pouvoir manger ou obtenir sa carte

En étant intermittente, Pascale Clark a du mal à justifier que plus de la moitié de son revenu provient du journalisme. Mais comme l’explique Paul Denton, journaliste au chômage, ce n’est pas simple. Beaucoup de journalistes multiplient les activités en plus du journalisme pour pouvoir manger, mais cela leur enlève la carte de presse. « Moi, je n’ai jamais eu de carte de presse, car je n’ai jamais réussi à atteindre le plafond requis par la Commission ». Il a même produit un film humoristique sur le sujet qui s’intitule «hommage d’un journaliste pigiste précaire qui est SCP (Sans Carte de Presse) à Pascale Clark, qui l’est devenue». Justifier un demi-Smic mensuel n’est pas donné à tous. De nombreux présumés intermittents du spectacle et de journalistes dont les droits d’auteur, liés à l’écriture de livres à succès, dépassent de plus de 50 % leurs revenus purement journalistiques. Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point ira même jusqu’à dire : « La Commission de la carte, c’est le fisc en pire ! » Aucune différence n’est marquée entre le cas de Clark et un pigiste précaire obligé de cumuler les piges mal payées et boulot alimentaire, au risque de privilégier le second dans ses revenus. Guy Birenbaum, journaliste pour France Info s’est exprimé sur le sujet : « Le seul critère : 50% des revenus. C’est bizarre non ? Vous connaissez beaucoup de professions définies par la fiscalité ? Et bah voilà, rien qu’au départ ça ne veut rien dire ».

Définition du journalisme

La CCIJP prend également en compte pour son verdict le travail fourni qui se doit d’être journalistique. Et l’émission A’live n’a pas les caractéristiques d’une émission d’information pour la commission. Pascale Clark est alors ‘’accusée’’ d’être plus présentatrice que journaliste. La présidente de la CCIJP, Bénédicte Wautelet, a expliqué que « la nature de l’émission relève plus de l’entertainement que de l’information ». La définition du journaliste est alors mise en cause. « Qui sont ces gens qui décident d’un seul coup que vous n’êtes plus journaliste alors que visiblement pour Closer ça ne pose aucun problème? On ne peut pas leur parler… Ils ne publient pas la liste des gens qui obtiennent leur carte de presse», regrette Pascale Clark. Closer et ses journalistes ne sont donc pas confrontés à des problèmes de renouvellement de la carte de presse contrairement à A’live ou le Petit Journal. Plusieurs des journalistes s’étaient vu retirer leur carte de presse, la commission considérant que l’émission est du divertissement et non de l’information. C’est ce que dénonce Pascale Clack, justement invitée lors d’une émission de Yann Barthès : «Trente ans de carte de presse. Numéro 53 216. Partout je l’ai obtenue. Mais ça, c’était avant».